les orgues Mutin-Cavaillé-Coll de la cathédrale d'Oran


historique

 

la première cathédrale (Saint-Louis)
la nouvelle cathédrale (Sacré-Coeur)
le facteur d'orgue : Charles Mutin
l'instrument aujourd'hui: abandon ou préservation?

 

la première cathédrale

Créé en 1867, le diocèse d'Oran s'est établi autour de l'église Saint-Louis située dans la vielle ville, et achevée vers 1850. Cette église possédait un orgue, inauguré le 12 Août 1855 ; on peut lire dans "itinéraires en Algérie" de Louis Piesse en 1862, cité par Jacques Gandini dans son ouvrage "églises d'oranie" p. 93 (1):

<<Un buffet d'orgues est placé au dessus de la porte d'entrée; il a été construit à Valence; ses tuyaux sont horizontaux et verticaux; ces derniers qui ressemblent à autant de tromblons, prêts à faire feu sur les fidèles, leur envoient à ce qu'on dit, à défaut de mitraille, des notes discordantes...>> (1)

 

 

 

 

 

 

 

 

construit à Valence, tuyaux horizontaux, forte présence espagnole à Oran, tout ceci fait penser à un instrument de type ibérique, avec "trompeteria" en chamade...

 

Cet instrument est remplacé en 1874 par un Merklin de "15 jeux effectifs, 22 registres, 2 claviers de 56 notes (et pédalier) et un buffet de chêne sculpté produisant une impression de richesse et de force... à la louange des fabricants de cet orgue, les divers organistes, dont quelques uns célèbres, venus à Oran, n'hésitaient pas à déclarer combien cet instrument était puissant et harmonieux." (1)

En voici la composition :

1er clavier Grand-Orgue (56 n.) : Bourdon 16 - Montre 8 - Bourdon 8 - Salicional 8 - Viole de gambe 8 - Prestant 4 – Flûte 4 – Jeux de combinaisons : Fourniture III rangs -
2ème clavier Récit (56 n.) : Flûte harmonique 8 - Dolciana (transm.) 8 - Gambe (transm.) 8 - Voix céleste 8 - Flûte octaviante (transm.) 4 Basson-Hautbois 8
+ Flageolet 2 -Trompette 8 - Clairon 4 - + Comet V rangs
Pédales séparées (27 n.) : Soubasse (transm.) 16 - Octavbasse (transm.) 8
Pédales de combinaisons : Tir I - Tir II - Acc.II/I - Anches I - Expression Récit et une partie du grand orgue – Trémolo.
(Devis J. Merklin orgue neuf du 17 août 1872,Archives Nationales F19 7789, cité par Robert Martin,Au Monde de l'orgue)

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

On peut voir ci-dessous le choeur, et la tribune lors d'une cérémonie à Saint-Louis (4).

 

 

 

 

 

 

 

Mais la ville se développe surtout vers l'Est, et en 1913 Saint-Louis redevient église, le titre de cathédrale est transféré à l'église du Sacré-Coeur, située place Jeanne d'Arc, plateau Karguentah.

L'édifice est maintenant désaffecté.

 

 

 

 

 

 

 

 

la nouvelle cathédrale

Sous l'impulsion de Mgr Cantel, évêque d'Oran de 1899 à 1910, une nouvelle construction de style romano-byzantin voit le jour; le chantier fut ouvert le 20 Avril 1903, la première pierre posée le 5 Avril 1904. L'édifice fut conçu par Monsieur Ballu, architecte en chef des monuments historiques en Algérie (2), qui exigea que le futur buffet d'orgue soit construit en deux parties afin de dégager la verrière (3). Après la faillite du premier entrepreneur M. Cottancin, qui édifia la crypte, c'est Auguste Perret qui acheva la construction, au moyen de la toute nouvelle technique des voiles de ciment armé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La nouvelle cathédrale (77m de longueur, 40m de hauteur sous la coupole, 45m de largeur au transept) fut bénite le 9 Février 1913. Succédant à Mgr Capmartin, c'est Mgr Legasse qui oeuvra pour aménager l'intérieur de la toute nouvelle cathédrale.

Le grand-orgue Cavaille-Coll-Mutin fut inauguré le 3 Février 1918 (2).Il rendit de bons et loyaux services jusqu'en 1962, et même après, puisque l'église resta cathédrale d'Oran pendant quelques années.
L'instrument n'est plus entretenu depuis plus de trente ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

Devenue maintenant centre culturel, et classée monument historique, une partie du mobilier a été conservée.

 

< l'orgue Mutin-C.C.

 

le fort espagnol et la basilique de Santa-Cruz, vus depuis le parvis de la cathédrale >

(photo N.R 2004)

 

 

 

 

 

 

 

 

le facteur d'orgues

C'est à Charles Mutin (1861-1931) qu'est confiée la réalisation de l'instrument qui sera inauguré en 1918. Après avoir travaillé à Caen, il reprend la direction de la célèbre manufacture Cavaillé-Coll en 1898 (Aristide C.C. meurt en 1899) (6), et il poursuit la tradition de son illustre prédécesseur en construisant des instruments dont on reconnait maintenant les grandes qualités, même si quelquefois on rencontre du zinc... (à noter que ce métal était quelquefois utilisé volontairement, pour renforcer le mordant des gambes par exemple, et pas seulement pour des raisons d'économie ) ; de même, les bois exotiques remplaçaient souvent le chêne pour la construction des sommiers.


Là encore, si certains voient des entorses à une certaine tradition de la facture d'orgues, il est indéniable que nombre d'essences exotiques possèdent des qualités (fil du bois, absence de noeuds, tenue dans le temps...) soutenant la comparaison avec celles utilisées jusqu'alors.

Les idées "nouvelles" sur la facture d'orgue sont exposées dans plusieurs ouvrages, et dans un article paru dans l'encyclopédie de la musique et du conservatoire en 1926 (7)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Modernité ou décadence ? Mais qu'on juge de quelques unes de ses réalisations (7) :

1899 :Paris St-Augustin 52 jeux, 3 cl. ped.
1900 Neuilly sur Seine :
52 jeux, 3 cl. ped. Conservatoire de Moscou : 50 jeux, 3 cl. ped.
1900 Orgue de Salon d'Alexandre Guilmant
1907 Bidart : 62 jeux, 3 cl.ped. (Baron de l'Espée)
1910 Buenos-Aires : 62 jeux, 3 cl. ped.
1910 Lujan 50 jeux, 3 cl.ped.
1911 orgue de Mr Weddell, cédé en 1930 à N.D. d'Afrique
1912 Les Chartreux (Ste Marie-Madeleine, Marseille) : 32jeux, 3 cl. péd.
1913 Casino de Nice : grand-orgue
1919 Basilique de Montmartre : 74 jeux, 4 cl. péd.
1919 Saint-Martin Marseille : 21 jeux 2 cl. péd.
etc.. etc...

 

C'est donc après avoir installé de nombreux instruments à l'étranger, pendant la période troublée de la première guerre mondiale, (en Argentine notamment) , que Charles Mutin construit l'orgue de la cathédrale d'Oran ; il sera inauguré le 3 Février 1918 (2). En Algérie, il construira aussi l'orgue du temple d'Alger, et celui de Tunis. Ce sont encore des instruments sur lesquels la plaque de signature porte encore le nom de "Cavaillé-Coll"associé à celui de Mutin, instruments construits certainement en série, la composition étant quasiment identique à quelques jeux près, lorsqu'on les compare. (voir tableau)

 

 

 

 

 


 

 

 

La production en (petite) série se pratiquait déjà depuis longtemps et on rencontre encore beaucoup de petits instruments de conception simple et robuste qui fonctionnent encore... (le catalogue de Cavaillé-Coll, puis celui de Mutin en proposait de nombreux modèles).

Il n'en sera plus de même après 1924, lorsque Auguste Convers prendra la succession de Charles Mutin, et orientera la facture dans la direction que l'on sait.On trouvera de nombreux renseignements sur la vie et l'oeuvre de Charles Mutin dans les ouvrages de Loïc Métrope, historien des
Cavaillé-Coll (6).

 

L'instrument aujourd'hui

Même si l'instrument est resté en place dans la cathédrale devenue centre culturel quelques années après l'indépendance, force est de constater que l'absence d'entretien, le conduira assez rapidement à la ruine, si des mesures minimales de préservation ne sont pas prises.

-état en 1989 : plutôt moyen, donnait l'impression d'un instrument encore complet et restaurable

-état en 2004 : d'après les photos prises par un membre de ma famille, il manque des tuyaux de pédale, et l'ensemble était
souillé par des fientes d'oiseaux s'introduisant par des vitraux cassés.

 

 

 



 

-état en 2007 : l'instrument s'est nettement dégradé, en raison de la présence d'oiseaux, et sans doute de l'air marin s'infiltrant par la verrière. Les boiseries ont perdu leur lustre, la fiente a envahi le grand-orgue, et la console semble très abimée...Un facteur d'orgue a cependant pris contact avec les autorités pour assurer la préservation de ce qui peut être encore sauvé.

mais on peut imaginer l'orgue à ses débuts, et pourquoi pas une future restauration...

 

 

 

 

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